Transcendance

L'année dernière, j'avais décrit mes recherches spécifiques dans un article en expliquant que j'avais déjoué les pièges de la pêche dite "industrielle". Je l'avais entendu de la bouche de certains comme seule méthode pertinente pour attraper toujours plus gros. Et c'est vrai. C'est statistique, c'est de la logique.

Mais quelque part cette vision des choses me chagrinait. En effet, il y a pour moi un côté robotisé dans cette démarche. Personnellement je ne pouvais pas concevoir une action de pêche se résumant à aller sur un spot et à lancer en attendant... Je n'ai rien contre la pêche au vif lorsque celle-ci est pratiquée de manière décente mais avouons que cela y ressemble. Une sorte de pêche aux leurres statique qui ne coïncide pas avec ma vision dans laquelle pêche aux leurres rime avec traque.

Dans cette démarche, il suffit alors d'attendre. A la chasse, cela se rapprocherait de la chasse au poste. La battue est lancée et on attend sagement à son poste en priant Saint Hubert pour que le gibier attendu passe devant vous. Cependant à la chasse on peut également pratiquer "à l'approche". Cette fois on se base davantage sur un esprit de traqueur. C'est cette chasse que je pratique sur les grands brochets.

Ayant cerné des zones de tenues ces dernières années, des zones de déplacement mais également des zones d'alimentation, il ne me restait plus qu'à me placer de manière intelligente. On dit parfois "au bon moment, au bon endroit". C'est vrai et c'est parfois pour cela qu'il faut faire un choix. Sur une rivière, vous pouvez localiser plusieurs de ces zones et parfois le choix n'est pas le bon. Il faut de plus mixer tout cela aux fameux éléments extérieurs sur lesquels je ne m'étendrai pas.

Je pensais donc avoir trouvé une recette pertinente après deux saisons de "réussite". Mais les derniers déboires mentionnés dans mes précédents articles, m'avaient montré que j'étais peut-être trop empressé. Pas assez présent. Peu ou pas connecté avec l'environnement. Ce sont pour moi des choses qui comptent. On ne devrait pas traquer les géants sans un minimum d'humilité. Et parfois je pense ne pas l'avoir eue et avoir voulu trop, trop vite.

Ainsi ce jour-là, j'étais certain d'avoir fait tout comme il faut. Je m'étais préparé mentalement en conséquence. Cela peut paraître absurde pour certains mais visualiser la scène avant que celle-ci ne se produise est utilisé en psychologie du sport. Vous devez préparer votre cerveau à l'action : en théorie il va me choper dans cette zone, je dois attendre quelques secondes avant de relever la canne, puis après les premiers "solides" rushs comme je les appelle, il va y avoir les rushs "glissés". Ce moment où le pike prendra de la vitesse... Avec un frein serré à mort, il faudra débrayer au bon moment. Si toutes ces étapes se passent comme anticipé, alors peut-être que j'aurai une chance.

Le combat se déroula presque comme prévu mais un léger détail m'avait échappé, la lourdeur de l'assaillant. De plus, la zone étant difficile d'accès, il me fallut faire un choix. Vu la taille de l'engin, je dus utiliser ma main gauche pour m’agripper dans la berge véritablement et ma main droite pour hisser la bête. Numéro d'équilibriste puisque vous devez à un moment ou à un autre vous débarrasser de la canne... Excusez du peu !

Quelle satisfaction lorsque la bataille s'acheva ! Je pus contempler ce poisson incroyablement gras. Le tenir à bout de bras était difficile au vu du poids et je ne voulais pas le manipuler trop longtemps. Si nous étions en présence d'un sous-marin soviétique alors je pensais le classer dans la classe "Alpha" (Alfa) mais avec une morphologie hors norme et une telle taille, nous étions là en présence de la classe "Typhon" (Typhoon). Une taille dépassant les 114cm mais quel poids pouvait-il bien faire ???

Je n'en sais rien et honnêtement quelle importance ? Je n'ai jamais pensé possible de croiser de tels engins. Je ne me considère pas comme un "specimen hunter". Je cherche juste à comprendre cet animal et à endosser le costume du chasseur pour les sensations que cela procure et simplement parce que j'aime ça. Je continuerai à pêcher ainsi tant que j'éprouverai du plaisir à pratiquer de cette manière. Mais je vous avoue que parfois avant de lancer mon leurre... Je ne suis pas rassuré. L'attaque est souvent d'une rapidité foudroyante et même si j'essaye d'anticiper, ces couillons me foutent la trouille !

Cette prise me montre que je suis sur la bonne voie. Je m'évertuerai donc à tester différents types de leurres pour vérifier l'importance de ce facteur. Si ce que je pense semble être correct, alors je devrais prendre d'autres poissons avec des leurres différents à chaque fois. Pour l'instant je poursuis à l'aide de leurres durs. La logique voudrait que je passe un jour sur des leurres souples pour augmenter le ratio touches/prises. Un jour peut-être... Mais "ils voulaient la jouer hard, on va la jouer hard...".