Pêche en ru mineur

La pêche en ruisseau, nous en avons tous une certaine image en tête. Mais comme souligné dans le dernier article, certains affluents peuvent parfois révéler de sacrées surprises ! Ces découvertes m'avaient donné envie lors d'un hiver particulièrement froid, de m'intéresser à ce réseau de "chevelus".

L'année avant cela, sur les réseaux dont je vante tant les mérites, j'avais vu passer la publication d'une "star". Nous étions alors en avril, ce grand braconnier posait fièrement avec plusieurs poissons de 55/60cm alors que les conditions anticycloniques depuis plus d'une semaine ne nous avait apporté qu'un niveau bas et des températures proches des -5°c. Je m'étais alors interrogé sur cette apparente facilité...

Avec le recul, j'avais vu juste. Bien souvent derrière un "grand pêcheur" se cache une astuce ou une ruse. Ruse qui parfois n'est pas vraiment en phase avec la loi. Même si je suis moi-même très critique envers certains aspects légaux de notre passion, j'ai admis qu'il y avait une différence entre légal et légitime. Dans ce cas concret, les prises de ce malheureux n'étaient bien souvent ni légitimes et encore moins légales.

J'avais bien quelques idées de là où avaient pu être faites les prises mais je souhaitais personnellement retrouver un autre ru. J'avais entendu plus jeune, plusieurs anciens en parler. Je me rappelle que mes recherches avaient commencé en novembre avant de se terminer en février. J'avais fini par trouver ce petit filet d'eau et voir même quelques géniteurs.

Ce que je ne savais pas alors c'est que se déplacer dans ces marais et présenter un leurre ou autre chose sans se faire voir allait me demander une grande concentration. Quand les marais sont imprégnés d'eau, la prospection est difficile et par endroit dangereuse.

Le problème de l'étude de carte est que nous ne pouvons pas réellement savoir si l'apport d'eau est suffisant. Est-ce que c'est juste un fossé ou bien est-il plus profond avec de l'eau suffisamment oxygénée ? Et ça, pour le savoir, il faut aller sur le terrain. L'éternelle confrontation du terrain et de la cartographie...

Une fois le mois de mars arrivé, j'ai donc essayé d'y aller rapidement après l'ouverture. J'ai pu observer de loin un ou deux chapardeurs. Je me demande également ce qui pousse quelqu'un à venir sur ce genre de milieu sauvage dans le but de prélever ? Heureusement pour le poisson présenté, j'avais pu passer le premier ce matin là...

Que dire de cette robe atypique. D'où vient-elle ? Est-ce un rempoissonnement spécifique d'il y a quelques années ? Un reliquat d'un autre âge ? Je ne le saurai jamais mais ce poisson m'a fait penser à un mélange entre la truite et le serpent tout en tirant vers la couleur principale des herbes sèches de ce lieu.

Niveau leurre, un simple LS me semblait le plus efficace dans la majorité des cas. Pour la canne un bras de levier d'au moins 2m40 n'était pas de trop... Je n'aurais pas craché sur plus long.

Plusieurs de mes autres venues se sont soldées par des échecs cuisants et parfois je parvenais à toucher des petits poissons preuve qu'il devait y avoir de la reproduction.

Plus tard dans la saison, le ru change alors de forme et de couleur. Il est moins gavé, déborde moins mais la végétation complique toujours un peu les choses...

Paradis aux trésors cachés, on y trouve un peu de tout. Les bécassines sont parties depuis quelques temps mais certaines fleurs trouvent les conditions nécessaires pour s'épanouir.

C'est lors d'une session de fin de printemps que j'ai pu croiser cet autre joli poisson. Sa naïveté m'a laissé pantois quand, entendant le bruit du Rapala flottant tombant en surface, elle s'est déplacée de quelques mètres, sortant de sa souche pour tout simplement venir gober le bout de balsa inerte en surface.

C'est dans ces moments là que vous comprenez qu'il n'y a parfois pas de "grands pêcheurs", juste un pêcheur rusé qui a trouvé un filet d'eau optimal pour la tenue de gros poissons. Un filet d'eau oxygéné et pas du tout pêché. Un filet d'eau qui délivre alors aisément de jolis poissons naïfs.

Je dois bien avouer que retourner en ces lieux ne m'a jamais trop effleuré l'esprit. Comme si finalement ma pêche se rapprochait d'un éternel défi. Leurrer des poissons trop peu éduqués me semblait en quelques sorte tricher. Et puis laisser un petit paradis vierge de toute pression n'est pas si mal. J'y retournerai peut-être un jour aussi, histoire de tâter les populations.