Musha shugyō 武者修行 - Mars
31 mars 2022La pêche de la truite peut être vue comme un pèlerinage. Si comme moi vous arpentez rivières plus larges, lacs et étangs le reste de l'année ; alors le retour aux sources vernal est un pèlerinage annuel, nécessaire, presque obligatoire en somme.
Qui dit pèlerinage, aventure, errance et perfectionnement d'un art, alors nous ne sommes plus très loin de l'esprit du Musha Shugyō d'autrefois. Et ce n'est pas les leurres ni le matériel bien souvent d'origine japonaise qui nous diront le contraire. Si vous êtes déjà passés ici, vous savez le culte que nous vouons à certaines philosophies japonaises en matière de pêche et peut être même dans d'autres domaines.
Place maintenant à cette nouvelle saison...
Au fur et à mesure de l'année, mes envies de cette pêche se disloquent parfois en voyant la qualité de l'eau ou les températures élevées. Nous verrons bien jusqu'où cette saison me mènera. Mais une chose est sûre, et je pense ne pas être seul dans ce cas, les derniers confinements ont bien entamé mes plans ces deux dernières années. C'est donc très concentré sur plusieurs objectifs que j'aborde cette année.
Le début de saison est pour moi de plus en plus difficile chaque année. Non pas par l'attitude des poissons où le peu de touches mais plutôt par le taux de fréquentation des cours d'eau.
Cette année encore je suis donc allé me frotter aux poissons difficiles de la Franco Suisse en fin de semaine d'ouverture.
Quelques poissons vus et manqués avec Vincent. Touches peu franches, freins mal serrés, des débuts difficiles.
Le cadre reste quant à lui, exceptionnel. Et malgré cette bise coupante, les premières fleurs pointent déjà de manière dense par endroit, le bout de leur nez.
Peu de temps après, l'ouverture générale me faisait revoir ma copie en espérant mieux. Pêche amont à la cuiller notamment contrairement à mes dernières années où le toc était de mise.
Le spot choisi était risqué. Les dernières sauvages d'un parcours mal en point et durement touché en période d'étiage. L'espoir fait vivre et c'est 3 forts jolis poissons qui me salueront... de loin. Juste le temps de les piquer et de les sauver de ces destructeurs aveugles aux paniers plastifiés.
J'aurais aimé les voir ne serait-ce que quelques minutes dans l'épuisette... Ce n'est que partie remise. Je reviendrai avec des conditions meilleures.
Après cet épisode, plus de doute. Il fallait reprendre le pèlerinage là où je l'avais laissé : dans le Jura. Une des règles à la pêche est quand même de pêcher où il y a encore du poisson. Pour la confiance, cela peut aider et comme le dit le proverbe : "Nul n'est prophète en son pays".
Direction donc un ruisseau qui m'avait laissé de jolis souvenirs au toc l'année précédente. Mais cette année, c'est bien le leurre qui occupait tout mon esprit et notamment les poissons nageurs dits "sinking".
Ayant complété quelque peu mes boites sans parvenir à les tester régulièrement, il fallait donc y remédier.
Après bien des déboires et des touches manquées, c'est avec l'aide d'une certaine luminosité que le Flat Tricoroll 45 coloris Millevaches me permettait d'entrevoir ma première truite avec des couleurs atypiques mais non moins magnifiques.
Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, ce fut un deuxième poisson qui me rendit visite lors de cette journée. Cette fois, le thème régional était un peu plus respecté...
Cette rapide découverte de plusieurs cours d'eau me donne forcément envie de revenir. Disons que le niveau et encore une fois (je me répète) les multiples traces ont du caler un grand nombre de poissons.
Mars avançait et l'envie de revoir un ruisseau déjà présenté ici-même me titillait. Le peu de précipitations et cette eau terriblement claire me poussait à éviter pour le moment des rivières au cours plus large.
Sur un créneau lumineux, je m'octroyais donc enfin cette sortie tant attendue : retrouver ce vallon paisible qui semble comme coupé du monde...
Renard, bécasse mais aussi tiques complétèrent mes rencontres aquatiques de ce jour. Même si la densité de truites actives n'avait rien à envier à un mois plus chaud, quelques unes étaient bien là et agressives.
L'eau claire rajoutait de la technicité dans l'approche et certains postes d'habitude courants ne laissaient pas le droit au moindre faux pas ou à une approche trop rapide.
Ici les poissons sont modestes en taille. Après pas mal d'attaques manquées et quelques petits poissons tournant autour des 20cm, je parvenais enfin sur plusieurs jolis postes, à toucher des demoiselles proches des 25cm.
Dans certains trous, certaines se désintéressaient totalement du leurre et continuaient à s'occuper davantage aux insectes ici et là.
Mon choix s'était porté sur des couleurs de leurres plutôt "flashys". Dans l'idée de déranger et venir clairement embêter ces dames mais également pour tester de nouvelles choses et sortir du sempiternel coloris naturel.
Choix fait aussi en référence aux écrits avant-gardistes d'Alain Foulon il y a quelques années sur l'ancien site d'Illex ou celui de Pezon et Michel, qui prônait déjà une réflexion sur l'approche des couleurs plus visibles en ruisseau clair notamment.
Choix qui est très utilisé par ailleurs chez nos amis nippons...
Enfin, dernier argument, le coloris flashy est très agréable à observer et on peut le repérer de loin pour celui qui comme moi aime voir le poisson jaillir de son antre et poursuivre l'intrus avant de l'attaquer.
Dans ces milieux étroits et en début de saison, il y a une juste vitesse à trouver. Ce jour-ci j'étais peut-être un peu trop rapide dans ma récupération et les twitchs semblaient apparemment ne pas convenir.
Sur le poste suivant, j'ai pu comprendre que si le leurre ne passait pas dans un rayon proche de la cache suspectée, le poisson ne faisait pas l'effort pour intercepter l'intrus à ce moment précis de l'année.
Dans ce cas, il a fallu clairement raser la petite cascade pour déclencher plusieurs suivis. Et en insistant devant la cache, c'est la plus jeune des deux qui passa finalement à l'offensive...
Cette sortie me permit de toucher un grand nombre de poissons mais également de profiter pleinement du caractère belliqueux de certains. Bien entendu, les plus jolis s'en sont tous tirés sans passer par la case épuisette...
Mais la chance a voulu que je reprenne la truite papillon photographiée ici l'année dernière presque un an jour pour jour. J'ai donc pu me rendre compte de la croissance lente dans ce milieu pauvre.
Un poisson qui a du prendre maximum 3cm et dépassant péniblement les 24cm. Toujours incroyable de pouvoir constater et vivre ce genre de rencontre...
Forcément on ne peut pas être pleinement satisfait. Forcément j'ai très envie de revenir... Le toc cette année avec le peu d'eau ne m'aurait rapporté que très peu de poissons.
Finalement, cette idée de pêche aux leurres en début de saison, même si cela ne paraît pas forcément pertinent sur le papier, a le mérite des sensations et d'une pêche vivante pleine de suspens, de joies mais aussi de désillusions...
Avril arrive, nous verrons bien ce qu'il nous réserve sachant que j'ai mis de gros espoirs sur lui notamment en fin de mois...